Avec 79% des 15-24 ans considérés comme sportifs réguliers en 2024, les jeunes sont les premiers pratiquants de sport en France, se félicite la Cour des comptes dans le chapitre de son rapport annuel 2025 sur la jeunesse consacré à l’accès des jeunes au sport. Après avoir, l’an passé, accueilli les Jeux olympiques et décrété le sport « grande cause nationale », le pari de faire de la France une nation sportive est-il gagné ? Pas tout à fait, tranche la Cour, qui estime que « le constat d’une jeunesse française sportive » masque des disparités, notamment territoriales. Surtout, elle souligne l’importance du décrochage en termes de pratique entre 15 et 25 ans.

Équipements : une réponse imparfaite aux attentes des jeunes

En ce qui concerne les disparités territoriales, la Cour explique que la première condition pour l’accès des jeunes au sport tient à l’existence d’infrastructures sportives nombreuses, aux normes, dotées de larges plages d’ouverture et diversifiées. Or, selon elle, « cette politique de l’offre, essentiellement portée par le bloc communal, varie selon les territoires et ne répond qu’imparfaitement aux attentes et aux besoins des 15-25 ans ».

Alors que « les équipements de proximité en pratique libre, dont une partie vise spécifiquement les jeunes, ont récemment connu une croissance forte », l’offre d’équipements sportifs en ville s’avère plus généralement « importante mais saturée » – et même moins diversifiée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). En milieu rural, les infrastructures, certes « en croissance », se révèlent « peu variées et difficilement accessibles ». Ici, la Cour des comptes prône, en zones urbaines, des mutualisations entre collectivités locales et établissements scolaires « pour alléger la pression sur les équipements », et en zones rurales, un portage des projets « à l’échelle d’un territoire intercommunal » associé à des « modalités de transport adéquates ». 

Pratique licenciée divisée par quatre

Mais l’essentiel des alertes de la Cour de comptes sur la pratique sportive des jeunes porte sur le décrochage rapide dont elle est l’objet. Si une première coupure intervient à 15 ans, l’âge d’entrée au lycée, le phénomène s’accélère après le bac. La pratique sportive licenciée est ainsi divisée par quatre entre 15 et 25 ans.

Et après avoir expliqué l’importance de la pratique sportive chez les jeunes grâce au rôle joué par l’Éducation nationale, « principal acteur d’un accès large et égalitaire au sport », la Cour des comptes déplore qu' »en pratique, les lycéens professionnels n’y [aient] accès que de façon discontinue, notamment en raison des stages en entreprise ou des périodes d’apprentissage ». Avec le temps, le décrochage est plus spectaculaire encore : seuls 20% des étudiants pratiquent un sport à l’université par le biais du service universitaire des activités physiques et sportives (Suaps) et 8% dans le cadre d’une unité d’enseignement libre. Dans les classes préparatoires aux grandes écoles, les enseignements d’EPS sont facultatifs. Et ils sont carrément absents des BTS et IUT. Ce décrochage touche particulièrement les filles. Entre 15 et 19 ans, quand 100 garçons sont licenciés, seulement 61 filles le sont également. Entre 20 et 24 ans, ce ratio passe à 45 jeunes femmes pour 100 jeunes hommes.

Pour une mutation du mouvement sportif

Si les deux moments de ce grand décrochage – l’entrée au lycée puis l’entrée dans l’enseignement supérieur – traduisent l’importance d’une charge de travail et d’un manque de temps croissants chez les jeunes, la Cour des comptes ajoute une raison plus inattendue : le monde associatif répondrait de moins en moins aux attentes des jeunes. Pour preuve : alors que la population des 15-25 ans augmentait de près de 5% entre 2016 et 2022, le nombre de licenciés de cette tranche d’âge reculait de 2%. La cour invite donc le mouvement sportif à « engager sa mutation » pour répondre à la recherche d' »une pratique sportive plus souple dans ses modalités d’organisation » et moins tournée vers la compétition. Une recette qu’applique d’ailleurs avec succès le secteur des loisirs sportifs marchands, selon la cour.

Mais cette critique pourrait tout aussi bien s’adresser aux collectivités, dont l' »important soutien » revient parfois à déléguer leur politique sportive aux clubs « sans vision stratégique d’ensemble ». « Rares sont les collectivités, en particulier parmi les petites et moyennes communes, qui formalisent leurs ambitions pour le sport en général, et pour l’accès au sport des jeunes en particulier », fustige la cour. Elle ajoute que le plan sportif local, dispositif facultatif créé par la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, « est pour le moment peu répandu ».

Pour attirer des jeunes ne pratiquant pas ou peu – jeunes femmes, jeunes en mauvaise santé, en situation de handicap ou précaires –, la Cour des comptes formule quatre recommandations. Elle demande d’abord à l’Agence nationale du sport et aux collectivités de prévoir des créneaux d’accompagnement à destination des jeunes, notamment éloignés de la pratique, sur les équipements sportifs en accès libre. Elle recommande à ces mêmes collectivités de développer les partenariats avec les acteurs privés pour élargir l’accès, physique et financier, des jeunes à une plus grande variété d’équipements. Elle suggère ensuite à l’Éducation nationale d’accroître le taux de pratique des élèves en EPS en assurant un suivi statistique des inaptitudes et en ajustant les séances en fonction des capacités des élèves. Elle demande enfin au ministère des Sports d’orienter davantage le Pass’sport vers les jeunes les plus éloignés de la pratique.

TÉLÉCHARGEZ LE RAPPORT COMPLET

 

Source : www.banquedesterritoires.fr