Elle est sans conteste la meilleure joueuse de tennis française de tous les temps.

Championne du monde à 15 ans, six fois gagnante à Roland Garros et six fois à Wimbledon, première véritable star planétaire de son sport, elle remporte le simple dames des Jeux d’Anvers 1920 en ne concédant en tout et pour tout que quatre jeux ! Dans la ville belge, elle est également médaillée d’or en double mixte avec Max Decugis, et de bronze en double dames en compagnie d’Élisabeth d’Ayen.

Du 16 au 24 août 1920 sur les courts en gazon du Beerschot Tennis Club, de Kontich, dans les environs d’Anvers, Suzanne Lenglen, alors âgée de 21 ans, survole le tournoi olympique du simple dames. Elle expédie par « deux roues de bicyclette » (6-0, 6-0) ses adversaires, au premier tour, la Belge Marie Storms, au deuxième tour, la Britannique Winifred McNair, et en quarts de finale, la Suédoise Lily Strömberg-von Essen. En demi-finale, elle concède un jeu à une autre Suédoise, Sigrid Fick (6-0, 6-1).

En finale, « La Divine » affronte la Britannique Dorothy Holman, championne du monde sur court couvert (parquet) en 1919 et sur court en dur (terre battue) en 1920. Là non plus, les choses ne traînent pas : 6-3 au premier set, 6-0 au deuxième pour devenir la seule championne olympique française d’un sport au programme pour les femmes à partir de 1900 jusqu’en 1924 et depuis 1988. Le tout en n’ayant concédé que quatre jeux en tout et pour tout. Qui dit mieux ?

En double mixte, elle réalise également un beau parcours avec Max Decugis, vainqueur à Wimbledon en 1911 et finaliste en 1912. Après le forfait au premier tour des Espagnols Maria Rospide et Manuel Alonso Areizaga, Ils battent le couple britannique Winifred McNair et Alfred Beamish 6-2, 6-0. Ils perdent un set en quarts de finale face aux Allemands Anne Chaudoir et Albert Lammers (6-3, 1-6, 6-1), puis ils ne laissent qu’un jeu aux Danois Amoury Folmer-Hansen et Erik Tegner (6-0, 6-1) et s’imposent en finale 6-4, 6-2 devant les Britanniques Kitty McKane et Max Woosnam.

Enfin, pour le premier tournoi de double dames aux Jeux, associée à sa compatriote Élisabeth d’Ayen, elle perd en demi-finales face aux futurs vainqueurs, Kathleen McKane Godfree et Winifred McNair, 8-6 au troisième set (6-2, 3-6, 6-8) et remporte la médaille bronze sans jouer puisque les Belges Fernande Arendt et Marie Storms déclarent forfait pour la petite finale.

L’une des plus grandes joueuses de tennis de tous les temps

Ces trois médailles olympiques arrivent au milieu d’un parcours tennistique étincelant. Avec des statistiques stratosphériques : 241 titres, une série de 181 matches gagnés à la suite, 341 victoires pour sept défaites (98 % !). Née à Paris le 24 mai 1899, elle raconte au magazine « Femina » du 1er juillet 1914 : « Un jour que je n’oublierais jamais, je venais d’avoir 12 ans, mon papa en revenant de Compiègne, me dit : « Tiens, je t’ai acheté une raquette de tennis et des balles, on va voir ce que tu feras devant un filet. » Il me tend une raquette qu’il avait payée 3,50 F, une raquette de gosse et des balles oh là là, des balles moches quoi ! «  Elle montre rapidement un grand talent. Son père devient son entraîneur. Lorsqu’elle répond à cette interview à Femina, elle vient d’être sacrée championne du monde à tout juste 15 ans, sur les courts du Stade Français à Saint-Cloud dans la banlieue parisienne, le 9 juin 1914 en battant la Britannique Germaine Golding plus âgée de 12 ans, 6-2, 6-1.

Source : Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Durant la Première Guerre mondiale, elle poursuit son entraînement, jouant souvent face à des hommes, s’inspirant de leur style, s’endurcissant alors que sa famille s’installe à Nice. Dès la fin du conflit, elle frappe un grand coup en s’imposant à Wimbledon 1919, battant en finale la championne olympique 1908 et sept fois gagnante du prestigieux tournoi du gazon de 1903 à 1914, Dorothy Lambert Chambers. Elle va encore l’emporter dans la banlieue de Londres en 1920, 1921, 1922, 1923 et 1925. À Roland Garros, elle gagne les « Championnats de France » consécutivement de 1920 à 1924 et les « Internationaux de France » en 1925 et 1926. Elle est à nouveau championne du monde sur terre battue après son titre de 1914, en 1921, 1922 et 1923.

Le « match du siècle » en 1926

L’un des plus célèbres matches a lieu le 17 février 1926 en finale du tournoi de Cannes où elle affronte la championne olympique 1924 Hellen Wills Moody, 20 ans et déjà triple gagnante de l’US Open. La rencontre est baptisée « le match du siècle » et attire plus de 3 000 spectateurs et de nombreux journalistes de la presse internationale. Suzanne Lenglen l’emporte 6-3, 8-6.

Première grande star internationale du tennis féminin, elle met fin à sa carrière amateur la même année à la suite d’un incident à Wimbledon, où elle ne s’est pas présentée à un match et faisant par là même un affront à la Reine d’Angleterre, et expliquant ensuite qu’elle ne savait pas qu’elle devait jouer et qu’elle souffrait d’un gros rhume. Elle passe ensuite professionnelle et fait une grande tournée exhibition aux États-Unis attirant les foules partout où elle passe. Puis elle abandonne le tennis en 1928. Elle devient créatrice de mode pour des vêtements de sport, s’affiche dans de nombreuses publicités, joue dans des films et crée son académie de tennis. Elle écrit également un livre intitulé « Tennis by simple exercices » qui fera autorité.

Atteinte d’une leucémie, Suzanne Lenglen décède à 39 ans, le 4 juillet 1938 à Paris. Le 6 juillet, dans un article de la « Gazette de Biarritz » titré « On pleure Suzanne Lenglen », l’émoi international provoqué par sa disparition prend notamment la forme d’une traduction d’un article du Times où il est écrit : « On peut presque dire qu’elle a, avec Bill Tilden, créé le Wimbledon d’aujourd’hui. Mlle Lenglen était plus qu’une joueuse remarquable. Que ce soit ou non parce qu’elle était Française, et qu’il existait, après la guerre, une atmosphère particulière, sa personnalité, si vivante, si positive, fit sensation à Wimbledon en 1919 et plus tard, même son bandeau était célèbre. »

Il y a aussi un éditorial du New York Times où on peut lire « Il est difficile de contredire ceux qui présentent Suzanne Lenglen comme la plus grande joueuse de tennis que le monde ait connu », et un autre du Herald Tribune qui affirme « Son jeu était purement génial, et lui donne le droit d’être classée aux côtés des meilleurs joueurs masculins de l’histoire du tennis. Le monde du sport perd l’une de ses figures du plus haut rang. »

Aujourd’hui, une porte d’entrée du Stade de Roland Garros et le deuxième court principal du complexe parisien de la terre battue portent son nom, ainsi que de nombreuses rues, avenues, parcs et établissements sportifs à travers la France.

Source : olympics.com / CNOSF / gallica.bnf.fr / museedusport.fr / getty images