La championne paralympique de boccia Aurélie Aubert (au centre) et Léon Marchand (à droite), membre de l’équipe d’athlètes LVMH, lors de la parade des champions, le 14 septembre 2024. (HAHN LIONEL / KMSP / AFP)
Après le grand rendez-vous de l’été, plusieurs entreprises ont annoncé leur intention de poursuivre leur soutien historique aux athlètes, alors que l’Agence nationale du sport espère pérenniser les dispositifs établis dans la perspective des Jeux à domicile.
L’héritage des Jeux sera-t-il aussi économique pour les athlètes ? Après la réussite des grands rendez-vous olympique et paralympique de Paris 2024, au cours desquels de nombreux sportifs tricolores ont été projetés sous le feu des projecteurs, se pose nécessairement la question de l’avenir du soutien financier pour les sportifs de haut niveau. D’autant que se profile, dans un an et demi, la prochaine échéance olympique et paralympique, à Milan-Cortina (Italie), pour les Jeux d’hiver 2026.
Dans la perspective des Jeux à la maison, une attention particulière avait été portée aux moyens et aux dispositifs de soutien. Ces derniers peuvent prendre plusieurs formes : un versement d’aides financières, des contrats d’image, des contrats d’insertion professionnelle (CIP, auprès d’entreprises) ou d’aménagement à l’emploi (auprès d’institutions publiques), qui offrent une stabilité et une organisation pour l’entraînement et la compétition, des emplois sportifs de haut niveau.
« Entre 2020 et 2023, on a augmenté de 75% les moyens dédiés à l’accompagnement des athlètes, ce qui est conséquent », confie Yann Cucherat, qui prendra, le 1er octobre, la tête de la haute performance à l’Agence nationale du sport (ANS). Il assure également que l’ANS verse aujourd’hui « un peu plus de 17 millions d’euros pour tout ce qui concerne le suivi socioprofessionnel des athlètes ». L’ANS a notamment mis sur pied deux dispositifs majeurs : identifier les potentiels médaillables et leur garantir un revenu minimal annuel de 40 000 euros bruts, et faire en sorte qu’aucun athlète engagé aux Jeux ne soit sous le seuil de pauvreté, soit un revenu de 15 000 euros minimum assuré.
Même dynamique chez l’Armée des champions, qui a réalisé un effort spécifique en vue de Paris 2024. « Le ministère des Armées a recruté une centaine d’athlètes et para-athlètes de plus entre 2019 et 2024. On est passé ainsi de 150 en 2019 à 232 sportifs de haut niveau de la défense en 2024 », explique le général Paul Sanzey, commissaire interarmées aux sports militaires. « L’armée a consacré chaque année, depuis 2019, un gros effort de masse salariale pour les athlètes et les para-athlètes du bataillon de Joinville (unité qui regroupe des sportifs au sein de l’armée). » Certaines entreprises avaient également lancé leur équipe d’athlètes sur la route de Paris 2024, à l’image d’Allianz (huit athlètes répartis entre mentors et sportifs moins expérimentés) et LVMH (sept athlètes, dont Antoine Dupont et Léon Marchand).
Les équipes de sponsors historiques vont perdurer
Les Jeux désormais passés, les interrogations se portent maintenant sur l’avenir de ce soutien. Plusieurs entreprises ont confirmé à franceinfo: sport leur volonté de poursuivre leur engagement. « C’est prévu, les budgets et les investissements vont rester au même niveau, c’est vraiment quelque chose que l’on souhaite consolider (…) On est en recherche permanente, on rencontre continuellement des athlètes pour voir s’ils peuvent intégrer notre dispositif », explique Agnès Desmaret, responsable communication corporate et marque groupe à la RATP, qui propose depuis 1982 des contrats d’image et des CIP à des athlètes de haut niveau.
Pour les Jeux de Paris 2024, l’entreprise de transports parisienne accompagnait six athlètes, dont Carlota Dudek, l’une des deux Françaises engagées en breaking. « Le dispositif va se construire avec un minimum de six athlètes, comme ce qu’on a en ce moment. On est très attachés à le poursuivre », assure-t-elle.
Chez EDF, dont les premiers contrats avec des athlètes remontent à plus de vingt ans, le soutien ne s’arrêtera pas non plus après l’été 2024. « Le team EDF existait avant Paris 2024, il continuera d’exister après, c’est une certitude, affirme Alexandre Boulleray, responsable sponsoring et activations externes Paris 2024 au sein de l’entreprise. On va prendre le temps, en cette fin d’année, de discuter avec l’ensemble des athlètes qui constituent le team, voir quel est leur projet de vie, leur projet de carrière, avant de se projeter tranquillement sur les années à venir. »
Même projection pour la SNCF, dont 31 contrats d’insertion professionnelle composent actuellement le dispositif pour les athlètes, qui existe depuis 1982. « Cela fait quarante-deux ans que le Dispositif Athlètes SNCF existe, il n’y a pas de raison que cela change, affirme Laurent Guillemette, directeur des grands événements sportifs. Même si les prochains Jeux d’été vont se dérouler aux Etats-Unis, on continue de suivre nos athlètes dans leur carrière sportive et professionnelle.« Avec des contrats variés et aux échéances différentes, les entreprises ont annoncé leur intention de faire le point avec les membres de leur équipe, avant d’éventuellement se mettre à la recherche de nouveaux profils.
« Après chaque Jeux, que ce soit Rio, Londres, Tokyo, il y a un turnover entre deux campagnes olympiques. Là, on se lance dans une stratégie d’acquisition de nouveaux et nouvelles athlètes. »
Laurent Guillemette, directeur des grands événements sportifs à la SNCFà franceinfo: sport
Créée lors de la préparation aux Jeux de Paris, l’équipe d’athlètes Allianz va aussi se poursuivre. « Nous avons envie de continuer à les accompagner, mais il faut que ce soit une volonté commune avec un projet partagé. En tant que partenaires des Jeux olympiques et paralympiques sur le long terme nous nous inscrivons dans cette logique, si tant est que nos athlètes souhaitent continuer l’aventure », assure Christophe Dépont, directeur marque, publicité, réseaux sociaux et partenariats d’Allianz France. Il explique également que « les perspectives financières sont stables » et que « l’idée est de continuer à tourner avec une team resserrée. »
L’incertitude du budget de l’Etat
Du côté de l’ANS, « l’objectif est vraiment de consolider tout ce qu’on a mis en place pour pouvoir se projeter et considérer que ce qui s’est passé à Paris 2024, c’est un socle, et qu’il ne faut plus revenir en arrière », assure Yann Cucherat, expliquant que c’est « tout le travail initié par l’agence depuis quelques années ».
Mais elle est également en attente du vote du budget 2025 pour connaître sa marge de manœuvre économique. « On verra les moyens mis à notre disposition et si on est en capacité de continuer à porter ces programmes. Très clairement, ces dispositifs qui permettent d’accompagner les athlètes sont essentiels pour nous », affirme Yann Cucherat.
La perspective des Jeux d’hiver 2030 dans les Alpes françaises représente également un nouvel objectif vers lequel se tourner. « Les Jeux d’hiver 2030 dans les Alpes françaises, c’est un objectif pour l’équipe de France militaire de ski, qui représente le quart des effectifs du bataillon de Joinville, affirme le général Paul Sanzey. Nous allons dialoguer avec le ministère des Sports pour nous donner la possibilité d’accueillir non seulement des athlètes de haut niveau, mais aussi des entraîneurs et peut-être des arbitres dans certaines disciplines. Nous allons également ouvrir davantage le bataillon de Joinville aux para-athlètes issus des armées, les vétérans en particulier, chez qui l’envie de compétition s’est diffusée pendant les Jeux paralympiques ».
Le rendez-vous est également identifié par le directeur des grands événements de la SNCF, Laurent Guillemette, dans les évolutions de l’équipe : « On veut plus de sports d’hiver. On a eu jusqu’à quatre athlètes, on n’en a plus qu’un [le snowboardeur Ken Vuagnoux]. On aimerait en avoir cinq ou six, donc on va essayer de trouver des jeunes pousses. »
Les athlètes et para-athlètes défilent sur les Champs-Elysées, à Paris, le 14 septembre 2024. (GONZALO FUENTES / AFP)