Créées pour la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques, les dix statues dorées représentant des femmes qui ont marqué l’Histoire de France, devraient s’ancrer dans le paysage parisien. Mais les connaît-on bien toutes ?

C’est dans le quartier populaire, récemment rénové, de la Porte de la Chapelle, que la maire de Paris, Anne Hidalgo, veut installer, de façon pérenne, les dix statues de femmes qui ont été dévoilées lors de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques. Si la notoriété de certaines, telles Simone Veil ou Simone de Beauvoir, a depuis longtemps passé les frontières hexagonales, d’autres sont quasiment inconnues du grand public, y compris en France. Toutes sont pourtant des pionnières, qui ont marqué l’Histoire. Revue de détail.

Christine de Pizan (1364-1430)

À une époque où les voix féminines étaient à peu près inaudibles, cette fille d’un homme de lettres et de science, elle-même poétesse et philosophe, mariée à 15 ans, veuve à 23, est considérée comme la première autrice en français à avoir vécu de sa plume. Elle a notamment écrit La Cité des Dames, parfois vu comme l’un des premiers textes littéraires féministes. Après des siècles d’oubli, elle a été redécouverte en grande partie grâce à Simone de Beauvoir, qui la cite dans son ouvrage majeur, Le Deuxième Sexe.

Jeanne Barret (1740-1807)

Vous avez déjà entendu parler de l’expédition de Bougainville à bord de la frégate La Boudeuse, au milieu du XVIIIᵉ siècle ? Eh bien Jeanne Barret en était, ni vue ni connue. Pour avoir le droit d’embarquer, elle s’était déguisée en homme et se présentait sous le nom de… Jean Barret, valet et assistant du naturaliste de l’expédition, Philibert Commerson – son complice et compagnon. Jeanne était elle-même botaniste. Elle fut la première femme à faire le tour du monde et a contribué à identifier de multiples plantes.

Olympe de Gouges (1748-1793)

Dans la mythologie féministe, elle est la pionnière politique par excellence, active pendant la Révolution française et rédactrice de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, en 1791. Au fil de ses nombreux textes, pamphlets mais aussi pièces de théâtre (elle avait monté sa troupe), elle s’engagea aussi pour l’abolition de l’esclavage, contre le racisme, contre les colonies. Native de Montauban, elle avait pris le pseudonyme d’Olympe de Gouges pour vivre son indépendance à Paris, loin d’un mari qu’elle n’aimait pas. Victime de la Terreur, elle fut guillotinée place de la Concorde, lançant à la foule, juste avant son exécution : « Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort. »

Louise Michel (1830-1905)

Les 150 ans de la Commune de Paris, en 2021, ont une fois de plus remis son nom dans la lumière. Cette militante anarchiste et institutrice, convaincue de l’importance fondamentale de l’instruction publique, fut l’une des grandes figures de la révolte des communards, et sa plus célèbre incarnation féminine. Déportée en Nouvelle-Calédonie pendant sept ans, mais inlassablement convaincue du bien-fondé de ses engagements, elle reprit ses activités et son militantisme à son retour en métropole. De nombreuses écoles portent aujourd’hui son nom un peu partout en France.

Alice Guy (1873-1968)

Le film Babylon (2023), de Damien Chazelle, mettait en scène les débuts de Hollywood, et on y découvrait le rôle majeur qu’y jouaient alors les femmes… Or Alice Guy fut, ni plus ni moins, la première réalisatrice, scénariste et productrice de l’histoire du cinéma – après avoir été l’assistante de Léon Gaumont puis, à 22 ans, la directrice des studios Gaumont. On lui attribue notamment la maternité du premier péplum, La Vie du Christ (1906). Son œuvre est peu à peu redécouverte ces dernières années, profitant de la dynamique féministe post- #MeToo, et notamment grâce à la critique et essayiste Iris Brey.

Alice Milliat (1884-1957)

Il fallait quand même bien qu’il y ait une sportive parmi ces dix femmes-là ! Alice Milliat fut non seulement une remarquable nageuse, hockeyeuse et rameuse, mais elle œuvra grandement à la reconnaissance, au niveau international, du sport féminin. Dès 1919, elle avait ainsi demandé au CIO de monter des épreuves féminines d’athlétisme aux Jeux suivants, demande qui avait été rejetée à l’époque… Le temps et l’évolution des mentalités lui auront finalement donné raison. Depuis 2016, une fondation, toujours pour promouvoir le sport féminin et la mixité, porte son nom.

Paulette Nardal (1896-1985)

Si la négritude, courant politique et littéraire, est communément attribuée à Léopold Sédar Senghor, qui en fut en effet l’un des plus puissants porte-voix, il doit aussi beaucoup à Paulette Nardal. Née (et morte) à la Martinique, elle fut, avec sa sœur Jeanne, la première femme noire à s’inscrire à la Sorbonne dans les années 1920 – avant elle, son père avait été le premier Noir à obtenir une bourse pour l’École des arts et métiers à Paris. Autrice, journaliste, anticommuniste et antifasciste, elle s’engagea pour défendre les droits des Noirs de par le monde. À Fort-de-France, une place porte son nom.

Simone de Beauvoir (1908-1986)

Sa statue n’était pas apparue à l’écran lors de la retransmission de la cérémonie des JO, mais elle est bien là. Évidemment. Philosophe, mémorialiste, romancière, elle reste sans conteste la grande théoricienne du féminisme au XXᵉ siècle, celle qui aura su décrypter la place de la femme dans nos sociétés occidentales, l’encourageant à sans cesse progresser vers l’indépendance, économique et affective. Son Deuxième Sexe, publié en 1949, demeure un texte de référence. Et trente-huit ans après sa disparition (en avril 1986), Beauvoir fait encore figure d’inspiratrice pour d’innombrables jeunes femmes.

Simone Veil (1927-2017)

Le 28 août prochain, un texte inédit (celui d’une conférence prononcée en 2005 devant les élèves de la Rue d’Ulm) sera publié aux éditions Albin Michel. Son titre : Pour les générations futures. Et c’est un fait que Simone Veil n’en finit plus de fasciner, personnalité-ressource de par son histoire personnelle et politique, écho à un siècle qui aura vu la pire des abominations, la Shoah, mais aussi de formidables avancées, comme la construction européenne ou le droit à l’IVG – et chacun sait ce qu’on lui doit en la matière. En 2018, avec son époux Antoine, elle fit son entrée au Panthéon. Définitivement reconnue comme l’une des femmes les plus marquantes de l’Histoire contemporaine.

Gisèle Halimi (1927-2020)

Le Panthéon, justement… Voici quatre ans qu’on en parle à son sujet et qu’on ne voit rien venir. Si l’action de l’avocate, courageuse et persévérante, pour faire reconnaître le crime de viol, ou faire progresser le droit à l’avortement (grâce à des procès qu’elle transforma en séquences politiques), est désormais saluée unanimement, il n’en va toujours pas de même pour le soutien qu’elle apporta aux indépendantistes algériens. Et peut-être est-ce là l’obstacle non avoué à sa panthéonisation… En attendant, elle a donc sa statue dorée, aux côtés de neuf autres héroïnes de l’émancipation. Pour celle qui fit de la parité en politique son dernier grand combat, c’était bien le moins.

Source : www.telerama.fr