Et s’il faisait 40 degrés pendant les Jeux olympiques ? C’est la question qu’Ecolosport s’est posée. Ce scénario possible concerne les sportifs, leurs performances mais aussi la santé des spectateurs. Pour le COJOP, cela représente aussi un enjeu primordial, vis-à-vis du calendrier des épreuves et de leur adaptabilité.

Selon la revue Nature, il est probable que les Jeux se déroulent sous une chaleur très importante, avec un épisode caniculaire sans précédent en France. Les scientifiques météorologues de la revue ont mis en place un modèle de simulation se basant sur les données des années précédentes et la longueur des évènements. Les résultats sont finalement assez inquiétants : des vagues de chaleur ultimes pourraient toucher l’Ile-de-France cet été. Dans le pire scénario, nous pourrions avoir un été jusqu’à 4 degrés plus chaud que durant la canicule de 2003, au delà des 40 degrés.

Côté COJOP, toute possibilité a été envisagée, comme ils nous l’ont précisé : « Paris 2024 collabore étroitement avec Météo France et Santé Publique France pour obtenir des données météorologiques historiques pour chaque site. Nous étudions toutes les conditions météorologiques extrêmes (et pas uniquement les épisodes caniculaires) afin d’identifier les mesures adéquates. »

Les sportifs en première ligne
Au vu de ces températures potentiellement extrêmes, quels sont les risques pour les sportifs ? Ils risquent d’abord une hyperthermie, un « coup de chaud » qui avait par exemple coûté un abandon au marcheur français Yohan Diniz, lors des Mondiaux d’Athlétisme en 2019. Si la chaleur est couplée à l’humidité, elle entrave le mécanisme de respiration qui empêche donc la régulation de la température corporelle. Un autre risque est identifié : celui de la pollution à l’ozone. Sous l’effet du rayonnement solaire et en présence d’autres polluants (particules fines, oxyde d’azote…), cette pollution irrite le système respiratoire et les yeux, une conséquence forcément accentuée pendant l’effort.

Durant leur repos aussi, les athlètes pourraient aussi souffrir de la chaleur. En effet, le COJOP a fait le choix, pour réduire l’impact environnemental de l’événement, de ne pas installer de climatisations dans le Village Olympique. Lors de l’annonce, cela avait suscité de l’inquiétude chez les athlètes, certaines délégations décidant de se loger ailleurs. Le COJOP se défend : « La conception du Village des athlètes a intégré des mesures permettant d’optimiser la température intérieure en cas de fortes chaleurs : isolation optimisée, menuiserie performante et étanchéité du bâtiment vérifiée, protections extérieures (stores, volets, brises soleil…) et/ou films solaires… »

Avec ces dispositifs, ainsi que des planchers rafraichissants et de nombreux ilots de rafraichissement, Paris 2024 garantit « un différentiel structurel d’à minima 6° par rapport aux températures extérieures ». Si cela ne suffit pas, le COJOP a aussi prévu des « solutions d’appoints » avec des ventilateurs ou encore « quelques unités mobiles de climatisations pour les chambres les plus exposées ». Certaines délégations ont déjà prévu d’emporter des climatiseurs avec elles.

Battre des records sera plus difficile
Des températures à 40 degrés ou au dessus auront aussi un impact sur les performances des athlètes. « Les meilleures plages de température pour établir un record dans une épreuve relativement longue se situent autour de 10-15 degrés, et 20 degrés pour des épreuves courtes » précise Mael Besson, expert sport et environnement et fondateur de Sport 1.5. Il ajoute :  « Une canicule va forcément limiter la capacité des athlètes à battre des records, alors que durant les JO c’est quand même une partie du spectacle. »

Selon lui, la chaleur pourrait même reconfigurer les résultats des épreuves : « S’il y a une canicule, ceux qui vont gagner ne seront pas forcément ceux qui sont les plus performants mais plutôt ceux qui seront les plus capables de performer en condition de fortes chaleurs. La préparation de la pratique sportive en cas de forte chaleur est spécifique et il faut s’y préparer ».

Des experts de Météo France au siège du COJOP pendant les Jeux
Les dangers pour les spectateurs et les sportifs sont donc conséquents. La Ville de Paris et le COJOP tentent d’anticiper ce scénario. Des experts de Météo France seront présents au siège de Paris 2024 deux fois par jour pour briefer l’organisation. Avec ces rapports journaliers, l’organisation espère avoir une vision claire des conditions dans lesquelles se tiendront les épreuves sur les 10 jours suivants.

Le COJOP nous a aussi confirmé avoir élaboré un calendrier des épreuves qui doit permettre d’éviter au maximum les heures les plus chaudes de la journée. Par exemple, les compétitions au Grand Palais se tiendront tôt le matin ou plus tard le soir pour réduire l’effet de serre de la grande verrière. En cas de force majeure, les organisateurs se réservent le droit de modification : « Les compétitions pourront également être reprogrammées si malgré ce travail d’anticipation, les conditions météorologiques nous empêchent de garantir sur le site de compétition une température conforme aux réglementations des Fédérations Internationales ». Les décisions seraient prises au cas par cas.

Pour Maël Besson, le fait que le COJOP s’adapte aux potentielles chaleurs est positif. Une adaptabilité qui semble, par contre, absente pour le sujet des eaux de Seine. « On accepte de ne pas adapter complètement le milieu pour le sport, donc on accepte que l’environnement n’est pas complètement maîtrisable et façonnable : cela fait partie du jeu » argumente t-il.

Et pour le grand public ?
Les sportifs ne sont pas les seuls à pouvoir pâtir des fortes chaleurs durant les JO. Selon une étude de The Lancet Planetary Health, Paris est la ville la plus mortelle d’Europe en cas de canicule. Cette étude est le résultat d’une équipe de chercheurs anglais qui a analysé les données de plus de 850 villes européennes entre 2000 et 2019, en prenant en compte des relevés météo, chiffres démographiques, informations sur les infrastructures, facteurs socio-économiques et environnementaux. Leur but : savoir où les températures peuvent avoir la plus grande influence sur la mortalité des habitants. Paris arrive donc première pour plusieurs raisons : urbanisation complètement inadaptée à la chaleur car îlots de chaleurs surreprésentés, manque de végétaux, densité des sols imperméables…

Paris 2024 tente de rassurer sur ce sujet. « Notre priorité est de garantir la sécurité de tous pendant les Jeux ». Et détaille : « Le parcours spectateur a été conçu pour limiter au maximum les temps d’attente exposés au soleil. Les passages de sécurité pour accéder aux sites seront protégés par des abris protecteurs. 700 fontaines à rafraîchissements payantes seront installées sur l’ensemble des sites de compétition de Paris 2024 pour permettre à tous les spectateurs de s’hydrater », et « des points d’eau gratuits » seront aussi mis en place, sans savoir combien et si cela sera suffisant.

« Il sera possible d’acheter sur place des boissons, rafraîchissements et équipements protecteurs (casquette, éventails, crèmes solaires, etc.) dans les différents points de vente proposés ». Si l’organisation n’a pas encore finalisé sa stratégie et « travaille à l’installation de solutions temporaires de rafraichissement (climatisation, ventilation, brumisation, etc.) strictement proportionnées aux besoins, sur certains sites de compétitions », elle compte sur le soutien de la Ville de Paris, qui a augmenté son offre de fontaines à eau dans les rues de la capitale (175 contre 65 auparavant).

Enfin, la loi exige l’installation d’une fontaine d’eau potable dans tous les lieux publics accueillant plus de 300 personnes simultanément. Les Jeux devraient accueillir jusqu’à 500 000 spectateurs par jour pendant la quinzaine et cela nécessiterait donc plus de 1600 fontaines à disposition.

Risques sur la santé des athlètes et des spectateurs, performances pas au rendez-vous, villes invivables : les conséquences d’une canicule olympique et de températures au delà des 40 degrés seraient nombreuses. Dans un monde qui se réchauffe et se dérègle, avec de plus en plus de vagues de chaleur et de phénomènes météorologiques extrêmes, organiser un événement sportif de cet ampleur en juillet et août n’est tout simplement plus adapté.