Que restera-t-il des Jeux pour les Parisiens et les Franciliens ? Quel héritage, matériel et immatériel, sera légué à la population ? Nous en parlons avec Boris Vassaux, porte-parole de l’héritage pour la Ville de Paris.
Depuis que le Comité d’organisation de Paris 2024 s’est mis en ordre de marche, et même dès la candidature, la notion d’héritage est centrale. Si le terme et l’idée – qui viendrait justifier les importantes dépenses – font débat, la raison de l’utilisation de ce terme est très simple, selon Boris Vassaux, Responsable Héritage à la Délégation Générale des Jeux Olympiques et Paralympiques de la ville de Paris : « Nous voulions que les Jeux soient utiles, sobres et populaires ». L’héritage serait donc lié à la question d’utilité des Jeux, autrement dit « construire un avant et un après JOP pour les Parisiens » ou « comment on se sert des Jeux pour mettre en place des politiques publiques ».
Vous l’aurez compris, l’héritage renvoie à toute trace ou influence matérielle ou immatérielle que laisse les Jeux olympiques et paralympiques à leur issue. Pour Michaël Attali, historien du sport à l’université Rennes 2, il s’agit d’une « notion qui est systématiquement activée quand l’Olympisme est en crise et il est en crise depuis une trentaine d’années ». Au vu des retours négatifs sur des précédentes éditions au coût bien trop élevé et de l’abandon des villages olympiques à l’issue des compétitions, Paris 2024 voulaient convaincre. Pour répondre à cette crise, la notion d’héritage sert à légitimer la tenue de l’évènement en insistant sur la perception positive d’efforts louables. La nuance est donc de rigueur : la tendance à porter la focale sur ce qui reste de positif à la fin des Jeux étant toujours très forte et les effets négatifs pas toujours notifiés. Dès lors, que restera t-il des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ?
L’apprentissage de la nage en Seine-Saint-Denis et la question des eaux de Seine
Un des fers de lance du plan héritage de Paris 2024 est « Nager à Paris ». En Seine-Saint-Denis d’abord, le besoin est présent : un enfant sur deux entrant au collège en Seine Saint-Denis ne sait pas nager, alors que, selon le COJOP, le taux de savoir nager à Paris oscille entre 58% et 93% selon les arrondissements. C’est en partie pour cela que le Centre Aquatique Olympique (CAO), seule infrastructure sportive construite pour les JOP, est implantée à Saint-Denis, face au Stade de France. Après les Jeux, il sera converti en une zone d’activité multisports ouverte à tous (fitness, escalade, skate park…). Sa construction répond, de plus, aux enjeux environnementaux, avec notamment un toit de 5000 m2 couvert de panneaux photovoltaïques qui lui permettra d’assurer son auto-suffisance en énergie.
En plus du CAO, d’autres piscines ont été construites, étendues ou rénovées pour les JOP au profit des habitants d’Ile-De-France. C’est par exemple le cas du Centre aquatique d’Aulnay-sous-Bois, qui regroupe 7 bassins. Cette quinzaine de bassins serviront pendant les Jeux comme sites d’entraînement et d’échauffement pour les athlètes. L’une d’entre elles avait d’ailleurs logiquement créée la polémique puisqu’elle a été construite sur les Jardins Ouvriers d’Aubervilliers, un îlot de biodiversité dans une zone densément urbanisée. Le fameux héritage en avait pris un coup.
Une autre promesse et un autre héritage : la baignade dans la Seine prévue pour tous les Parisiens en 2025. L’Etat et la Ville de Paris ont investi 1,4 milliards d’euros dans ce projet. À quelques jours des Jeux, la Ministre des Sports et des JOP Amélie Oudéa-Castera et la Maire de Paris Anne Hidalgo se sont baignées dans la Seine, et les parties prenantes semblent donc avoir viser juste sur la faisabilité de ce projet, malgré les doutes et polémiques. Comme nous l’expliquait Marc Valmassoni de Surfrider Foundation dans le 2ème épisode de notre série « En Jeux », « rendre accessible la baignade en ville est un enjeu sociétal. La baignade en ville, bien sûr que c’est pour demain ». En effet, à l’avenir, accéder au littoral coûtera de plus en plus cher et les fortes chaleurs seront plus courantes, d’où l’intérêt de permettre une baignade gratuite dans le fleuve.
Village olympique et Adidas Arena, les autres héritages matériels
Sur l’héritage matériel toujours, les autres installations sportives et résidentielles ont été pensées pour être réinvesties. C’est d’abord le cas du Village des athlètes, placé entre Saint-Ouen et Saint-Denis et relié à L’Ile-Saint-Denis par une nouvelle passerelle. Dès la fin des JOP, le village sera transformé en un quartier vivant, avec des logements étudiants, familiaux et sociaux. En plus de commerces et services en bas des immeubles, le quartier sera bien doté en services publics, avec deux groupes scolaires, deux crèches, un lycée et des équipements sportifs. Quant au « Cluster des médias », il laissera place à un nouveau quartier au sein de la ville de Dugny, ainsi qu’un nouveau pôle sportif et scolaire sur la ville du Bourget.
Une autre infrastructure construite en partie pour l’Olympiade ne sera pas laissée à l’abandon à son issue : l’Adidas Arena. Pouvant accueillir jusqu’à 8 000 spectateurs assis, la salle perdra son naming le temps des Jeux, durant lesquels elle accueillera les épreuves de gymnastique, badminton et para-haltérophilie. Située à la Porte de la Chapelle, elle a déjà servi et servira les prochaines saisons au Paris Basketball. En plus de sa salle principale, l’Arena sera également ouverte au sport de proximité et aux habitants du quartier avec la présence de deux gymnases. Le tout a été éco-conçu comme nous le rappelle Boris Vassaux : 65% du béton utilisé est bas-carbone, 100% des charpentes sont en bois, les 6 900 m2 de toiture sont végétalisés et l’Arena s’alimente par un mix de 100% d’énergie renouvelable.
Enfin, les bâtiments parisiens temporairement utilisés pour recevoir les épreuves olympiques et paralympiques ont pour certains pu être rénovés. C’est le cas du Grand Palais de Paris, qui a subi un beau (et cher) lifting, nécessaire même sans l’organisation des Jeux. Tous les lieux accueillant des compétitions ont aussi vu des bornes électriques événementielles être installées par Enedis, pour éviter l’utilisation de groupes électrogènes très polluants. Pour l’énergéticien, ce changement réduira de 90 % les émissions de CO2.
Focus sur l’héritage éco-responsable
Sur l’aspect environnemental, justement, la ville de Paris a voulu utiliser les Jeux comme « un levier de transformation » afin de « changer les pratiques des Parisiens », selon Boris Vassaux. Les mesures sont nombreuses : suppression du plastique à usage unique – malgré la présence de Coca Cola et de ses bouteilles en plastique -, assurer une seconde vie aux matériaux utilisés, ou encore réinvestir la voie olympique du périphérique parisien afin d’en faire une voie spécialement dédiée au covoiturage. Comme nous l’avions vu dans le 1er épisode de notre série « En Jeux », les Olympistes (de vélo) feront aussi partie de l’héritage mobilité.
De plus, le COJOP a souhaité légué l’outil et la méthode qui a accompagné ses équipes pour réduire l’empreinte carbone de Paris 2024 : « Coach Climat évènements ». Il est désormais mis à disposition du grand public gratuitement et permet, dans un premier temps à un organisateur d’évènement sportif, d’estimer le bilan carbone de son évènement. Dans un second temps, le « Coach » propose un programme d’une centaine d’actions concrètes dans lesquelles l’organisateur peut piocher pour en réduire l’empreinte carbone.
Et l’héritage social ?
La ville et le COJOP ont aussi travaillé les autres aspects de ce qu’on appelle communément la RSE. D’abord, sur la réduction des inégalités hommes-femmes. Pour que les mesures prises soient le plus efficace possible, la ville de Paris a réfléchi à « trouver là où il y a le plus d’inégalités », selon Boris Vassaux. La réponse réside dans l’espace public : on retrouve entre 85 et 90% de garçons sur les terrains de sport en accès libre. Pour diminuer ce chiffre, « Paris Sportives » a été lancé. Le programme consiste en le financement d’associations qui mettent en place, chaque semaine, sur 50 terrains à Paris, des séances de sports uniquement pour les femmes. Dans la volonté de faire des « Jeux féministes », comme l’exprime Boris Vassaux, tous les agents et prestataires des zones de festivité seront formés aux VSS (Violences Sexistes et Sexuelles), et toutes seront dotées d’une safe zone.
Deuxièmement, les Jeux sont pensés pour favoriser l’accessibilité et l’inclusion des personnes en situation de handicap. Si chaque site est accessible pour les PMR, chaque arrondissement a aussi fait l’objet de l’aménagement d’un « Quartier d’Accessibilité Augmentée », en travaillant sur la voirie, avec les commerces et tous les équipements. Sur le volet sportif, un réseau des clubs para-accueillants a été formé, permettant la création de 35 nouvelles sections handisport au sein des clubs.
Côté inclusion sociale toujours – ou exclusion en l’occurence -, malgré les engagements pris, on ne peut ignorer les appels du collectif « Le Revers de la médaille », qui dénonce l’expulsion de Paris de plus de 12 000 migrants et SDF en 2023 et 2024 vers les autres régions de France, sans préavis. Un « triage social », selon les termes de l’association, qui accuse les pouvoirs publics de vouloir procéder à un « nettoyage social à l’encontre des populations les plus précarisées », qui tranche assez avec les derniers engagements pris.
En effet, l’héritage social et sociétal de Paris 2024 a aussi reposé sur sa Charte Sociale. Boris Vassaux identifie deux de ses engagements principaux. Le premier est que 10% des heures employées soient faites en faveur de personnes en insertion, éloignées de l’emploi. Le deuxième engagement phare était que 25% des marchés des Jeux reviennent à des PME et TPE de l’Economie Sociale et Solidaire. Plus de 500 structures de l’ESS ont en effet remporté des appels d’offre : un véritable coup de boost.
Source Ecolosport