L’ambition de cette année olympique est de faire du sport un bien culturel commun. Shutterstock
Si des programmes comme les « 30 minutes d’activité quotidienne » à l’école mettent l’accent sur la lutte contre la sédentarité, la mission des cours d’éducation physique et sportive va bien au-delà.
La promotion de l’activité physique et sportive a été décrétée « Grande cause nationale en 2024 » en France. L’objectif est de tirer profit de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) en France pour insuffler une dynamique dans le pays et « améliorer l’éducation, la santé, l’inclusion et de rendre notre société plus solidaire ».
L’ambition est de faire du sport un bien culturel commun et un levier des politiques publiques permettant de garantir un héritage immatériel, afin d’inciter la population à davantage d’activité physique et de pratique sportive.
À l’école, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse cherche à encourager les jeunes à « bouger » pour lutter contre la sédentarité. Le choix a été fait d’expérimenter des dispositifs comme les « 30 minutes d’activité physique quotidienne » plutôt que de renforcer les heures d’éducation physique et sportive (EPS) obligatoires.
Mais pour (re)donner envie aux jeunes de faire du sport de manière durable, il ne s’agit pas simplement de le décréter. Les Jeux peuvent-ils impulser une révolution culturelle du sport en France ? Quel est le rôle de l’éducation physique et sportive pour faire face aux défis d’aujourd’hui ?
Donner aux jeunes le goût de disciplines sportives, au-delà de l’envie de « bouger »
Les campagnes de communication concernant les bienfaits de l’activité sportive sur la santé se multiplient et les décideurs politiques s’appuient prioritairement sur des savoirs médicaux pour justifier ces discours. Cette visée hygiéniste ne peut suffire au développement global et à long terme des enfants et des adolescents.
Le goût pour une activité physique ou sportive nécessite de percevoir le plaisir associé à cette expérience. C’est la clé d’un engagement durable mais cela n’a rien d’automatique et suppose des expériences positives régulières. En éducation physique et sportive, il s’agirait donc de multiplier les situations valorisantes afin de laisser des « traces positives et mémorables » aux élèves. Celles-ci doivent alors être source d’émotions mais aussi d’apprentissages, permettant aux élèves de tisser un rapport durable à l’activité physique.
Les enseignants jouent donc un rôle fondamental d’autant que l’engagement durable dans le sport est marqué par d’importantes inégalités, les aspirations et les goûts sportifs variant selon le milieu social ou encore le sexe.
Le système éducatif français donne à l’éducation physique et sportive (EPS) un rôle essentiel, puisque cette discipline scolaire est obligatoire pour l’ensemble d’une génération d’élèves de la maternelle au lycée. C’est à travers elle que les corps des jeunes vont être façonnés, à partir d’une culture ouverte à différentes activités sportives.
Promouvoir l’égalité face au sport
Les Jeux de Paris seront les premiers totalement paritaires (10 500 athlètes, 50 % de femmes, 50 % d’hommes). Cette avancée ne doit pas masquer des réalités sociales, se traduisant par une appropriation inégale de la pratique sportive par les jeunes filles et les jeunes garçons. Malgré une volonté politique revendiquant la parité dans le sport, l’égalité peine à se traduire en actes.
Le choix et l’investissement dans les activités culturelles et sportives sont liés pour partie à la socialisation familiale. Se pose alors la question de l’éducation et de l’accès à la pratique sportive pour les enfants ne bénéficiant pas d’un environnement social favorable ni de l’héritage culturel et sportif de leurs parents.
L’EPS s’appuie sur des disciplines sportives comme le basket-ball ou l’athlétisme très fortement connotées sur le plan de la construction des identités sexuées. Cela a pour conséquence une meilleure réussite des garçons par rapport aux filles.
Les inégalités de réussite en EPS peuvent s’expliquer par le poids des représentations et des normes socioculturelles. Les modalités d’évaluation ne peuvent nier les différences naturelles entre les sexes. Des barèmes différenciés sur les niveaux de performance sont ainsi proposés pour des activités comme l’athlétisme.
Mais les enseignants cherchent aussi à déconstruire les discours socioculturels pouvant normaliser les corps sexués. Les cours d’EPS sont l’occasion pour toutes et tous de pratiquer des activités ensemble et de lutter contre les croyances et les préjugés.
En EPS, les formes de pratiques mixtes se développent et se diffusent au sein de fédérations sportives comme celle du handball. Par exemple, en « Hand à 4 », l’objectif est de permettre à chacune et chacun d’accéder aux mêmes chances de réussite, donc d’être capable de tirer et de marquer. Pour cela, le contact entre les joueurs est aménagé. Il est autorisé mais la neutralisation est supprimée afin que chacun puisse s’exprimer sans appréhension. Autre règle adaptée, le tir indirect est obligatoire. Le tir avec rebond est autorisé comme la « roucoulette », le lob ou « chabala » pour réduire la « charge affective » du gardien de but.
Le but est ainsi de favoriser l’inclusion de toutes et tous – en tenant compte des différences morphologiques et physiques des élèves. L’EPS participe à cet enjeu d’égalité des chances.
Le sport pour mieux se connaître
Dans la société, se diffuse une « sportivisation des mœurs et des corps » influençant la construction identitaire et sportive de soi. L’adolescence constitue une période délicate concernant le rapport au corps, particulièrement exposé à l’ère des réseaux sociaux.
L’enseignement de l’EPS vise alors à former des citoyens ayant un esprit critique quant aux dérives potentielles du sport et de l’individualisme. En musculation par exemple, il convient d’endiguer cette dérive narcissique et égocentrique en proposant des formes de pratiques centrées sur l’idée de « faire ensemble » pour s’entraîner et progresser.
La finalité de l’EPS consiste à rendre progressivement l’élève autonome au niveau de sa motricité, à lui donner des clés pour pratiquer seul ou à plusieurs dans sa vie future. L’EPS cherche ainsi à favoriser l’épanouissement individuel de l’élève en lui permettant de s’accomplir, d’agir, mais aussi de mieux se connaître. En musculation, l’élève doit être capable d’analyser son ressenti en lien avec une charge soulevée pour comprendre si son programme est adapté à son thème d’entraînement ainsi qu’à ses ressources et s’il maîtrise les paramètres du mouvement, les contenus sécuritaires.
Il s’agit d’un véritable apprentissage par le « corps » répondant à une visée d’émancipation de tous. En effet, l’inégale maîtrise du corps chez les jeunes a pour conséquence une forme de hiérarchisation sociale. Les individus les plus à l’aise avec leur corps sont valorisés, au détriment des autres pouvant être stigmatisés ou exclus.
Aujourd’hui, les jeunes sont nombreux à visionner quotidiennement des vidéos sur Youtube, à se connecter à des applications offrant des programmes d’entraînement de culture physique. Le numérique interroge donc le modèle de transmission du savoir à l’école et en EPS.
L’objet connecté a pris une place considérable au sein des habitudes des sportifs. La technologie demeure un outil qu’il est utile de savoir maîtriser. Cela représente un véritable enjeu en termes d’éducation. En EPS, il est nécessaire pour les élèves de développer un regard critique et lucide sur les programmes proposés, sur la manière d’aborder les informations.
L’école participe à la formation du futur citoyen en lui permettant de faire des choix éclairés par rapport aux évolutions des loisirs sportifs. Les enseignants transmettent ainsi une culture motrice et des outils nécessaires plus tard à la pratique régulière et pérenne.
Source : theconversation.com